Trois questions à Ivan Calbérac (Glenn, naissance d'un prodige)
Tanzmatten : Bonjour Ivan, comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser à Glenn Gould ?
J’ai toujours écouté tous types de musique, notamment de la musique classique, et j’ai connu Glenn Gould tout d’abord à travers ses magnifiques interprétations de Bach.
J’adore l’extrême sensibilité de sa façon de jouer, notamment dans son dernier enregistrement des Variations Goldberg, son Aria, c’est de la poésie pure. Puis, un peu intuitivement, j’ai eu envie d’écrire sur lui, et plus j’enquêtais sur sa vie, plus je découvrais un personnage hors du commun, et un destin incroyable, qui me touchait beaucoup. J’ai lu, visionné, écouté, le plus de documents possibles le concernant avant de me lancer dans l’écriture. J’ai adoré m’immerger dans son univers et m’approcher au plus près de cet être étonnant, atteint d’un syndrome d’Asperger, et d’un talent fou.

"Les artistes sont des hyper-sensibles, et c’est cela qui leur permet de révéler et transmettre des émotions"
Tanzmatten : "Glenn, naissance d'un prodige" pose la question du rôle de l'artiste, de ce qu'il a à apporter... Pouvez-vous nous en dire plus ?
La pièce aborde en effet beaucoup de thèmes, notamment celui de la condition d’artiste, qu’on a parfois tendance à fantasmer. Elle peut, pour ceux qui ont beaucoup de succès, paraître fort enviable, mais les destins de grands artistes sont aussi parfois tragiques. Celui de Glenn Gould est particulièrement incroyable, atteignant une renommée internationale à 23 ans, dans le piano classique, une telle précocité s’avérant rarissime, et se retirant de la scène à 32 ans, en pleine gloire. Glenn Gould détestait se produire en public, et la vie de tournée lui était particulièrement pénible.. La dernière partie de sa vie fut plus solitaire, consacrée essentiellement à des enregistrements de disques. Souvent, à l’instar de Gould, les artistes sont des hyper-sensibles, et c’est cela qui leur permet de révéler et transmettre des émotions. Mais au jour le jour, ils sont face aux mêmes enjeux que tout un chacun, et se révèlent parfois totalement inadaptés à y faire face.
Tanzmatten : Le spectacle est aussi un drame familial. La relation entre Glenn et sa mère semble vous avoir marqué ?
En effet, je suis passionné par les rapports familiaux, la psychogénéalogie, ce qu’on hérite de ses parents, ce qu’on transmet à ses enfants.
Glenn Gould a eu une mère particulièrement investie dans son éducation et dans sa réussite. Elle a projeté sur son fils tous les rêves qu’elle n’avait pu réaliser elle même, elle qui rêvait d’être concertiste, à une époque où les femmes n’avaient pas l’autorisation d’aborder de telles carrières. C’est une mère qui adore son fils, mais qui va le surprotéger, jusqu’à l’étouffer, et lui transmettre beaucoup de ses névroses, le père ne réussissant jamais à l’en empêcher. Si la pièce comporte une part de romance, à travers le rapport de Glenn avec sa cousine Jessie, et aussi une part de comédie, car j’ai voulu y insuffler beaucoup d’humour, je l’ai construite en effet comme un drame shakespearien familial, où un destin de répétition de scénarios de vie s’abat sur cette famille, telle une machine destructrice, qui semble impossible à désamorcer.
Le spectacle / La billetterie